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2 mai 2011 1 02 /05 /mai /2011 07:46

Marie-José Kotlicki secrétaire générale de l'Ugit-cgt

 

 

Les organisations du travail développées ces trente dernières années ont sollicité les salariés comme jamais auparavant : formations, technicité, expérience, savoirs, traitement des données… À la complexité des outils techniques s’est ajoutée une intensification des rythmes de travail permise non seulement par la technologie, mais organisée pour atteindre des résultats de plus en plus élevés en termes quantitatifs.

Pour les cadres et les techniciens, cette intensité donne lieu à une charge mentale élevée, renforcée par l’extension des horaires de travail, des forfaits jour, les rythmes de travail et la pression des objectifs financiers à atteindre. L’enquête « Votre travail, comment le voulez-vous ? » réalisée par l’UGICT-CGT fin 2008, auprès des cadres et techniciens du privé comme du public, a révélé une réalité partagée de la situation du travail, une inquiétante montée du stress et de la souffrance induits par un « Wall Street management » qui, parce qu’il tue le travail, tue aussi au travail.

Le capitalisme contemporain est, avec l’exigence de ses actionnaires et des marchés financiers, l’obstacle à la réalisation d’un travail bien fait, émancipateur, utile socialement et économiquement.

Pression du résultat et de son évaluation, du court terme, concurrence et individualisation des performances, négation de la technicité constituent un premier volet de la souffrance au travail chez les cadres et techniciens. S’y greffe, par ailleurs, la transformation du rôle et de la place de l’encadrement. Celui-ci est pris dans l’étau d’un management coercitif qui nie et percute leur éthique professionnelle. Ce n’est plus ce que pense l’encadrement qui importe mais bien plus le contrôle de l’expression publique de désaccord sur les stratégies et décisions des entreprises. Les cadres se sentent ainsi de plus en plus exécutants avec des responsabilités sociales étendues dont ils sont parfois justiciables. Le bilan fourni par cette consultation est confirmé par les conclusions du rapport du Collège d’expertise sur le suivi des risques psychosociaux remis au ministère du Travail, de l’Emploi et de la Santé.

Ce qui est en souffrance, c’est la qualité du travail humain. La réponse n’est donc pas la gestion du stress, mais la nécessaire transformation de l’organisation du travail et le développement de la prévention qui suppose un pouvoir d’intervention réel des CHSCT et implique de promouvoir un mode de management alternatif, efficace socialement et économiquement.

L’approche de la pénibilité est fondée aujourd’hui sur une division du travail : travail d’exécution/travail de conception et les conséquences qui en découlent en termes de santé : il y aurait une pénibilité physique pour le travail ouvrier et une pénibilité mentale pour le travail de l’encadrement. Cette vision, tout en accentuant le clivage entre salariés, nie en fait la reconnaissance que, dans tout acte de production, il y a un travail d’élaboration, un travail mental. Toutes les pénibilités physiques et psychiques doivent être reconnues et réparées.

Rompre avec la souffrance au travail des cadres et techniciens et plus généralement avec la pénibilité du travail pour tous les salariés nécessite d’intégrer une transformation du mode de management. Cela passe par une politique de prévention négociée avec l’employeur tenant compte de l’organisation du travail, d’une définition collective des objectifs et des moyens pour les réaliser, de la reconnaissance et du paiement des qualifications, d’espaces d’échanges sur le travail, sa qualité, son sens et sa finalité.

Il s’agit aussi de redéfinir le rôle et la place de l’encadrement en restaurant son rôle contributif dans l’entreprise et en lui permettant d’exercer son éthique professionnelle.

Marie-José Kotlicki

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